Les relations affectives : comment venir en aide à une victime de relation toxique

dans les tons bleus violets, une personne adossée à un mur tient devant son visage un carton où il est écrit le mot "help"

Epauler une personne victime de relation toxique n’est pas chose aisée. Cela peut même tenir d’un exercice d’équilibriste. Mais pour les victimes, cette aide est essentielle. Comment trouver les bons mots, poser les actes qui vont soutenir ?


Les victimes sont le plus souvent des femmes. Les relations toxiques prennent souvent place dans un contexte de couple hétéro. Aussi, cet article parle de victime – au féminin – et d’agresseur – au masculin. Il est toutefois important d’avoir en tête que :

  • n’importe qui peut être victime, quel que soit son genre
  • n’importe qui peut être agresseur, quel que soit son genre
  • des relations toxiques peuvent exister dans toutes les relations interpersonnelles
  • la famille, le travail, les amitiés peuvent aussi être sources de relations toxiques.

Que dire à une victime ?

Quand on a le moindre doute envers un·e proche, la première chose à faire et de lui montrer que la porte est ouverte. « Si tu as besoin de parler, je peux écouter » est une petite phrase simple qui offre à la victime potentielle un espace pour se confier. Même si elle ne l’utilise pas, elle sait qu’il existe, et c’est précieux.

Si elle choisit de l’utiliser, les réponses qu’on lui apporte en retour sont importantes. Alors, que dire à une victime qui franchit le pas des confidences ?

Choisir les bons mots

Lorsqu’on écoute la parole d’une victime, quelques soient nos propres sentiments, on essaye de ne pas perdre de vue qu’elle a besoin de :

  • la reconnaissance de sa souffrance
  • la validation de ses ressentis, de ses droits, de sa place de victime
  • la bonne information (droits, services…)
  • le respect de son rythme, de ses besoins

Le plus difficile, c’est souvent de respecter le rythme de la victime. En tant que personne aidante, on espère qu’elle pourra s’extirper de sa situation au plus vite, d’autant plus si on perçoit du danger. Ce n’est pas forcément le cas de la victime, qui peut avoir besoin de plus de temps pour prendre conscience puis agir. Allez trop vite pour elle pourrait renforcer son sentiment d’illégitimité, lui faire peur ou la braquer.

Ce qu’on ne doit pas dire à une victime

On peut essayer de rassurer la victime sur sa situation, sur la relation, et tenir des propos minimisants, par exemple :

  • se disputer, ça arrive à tout le monde
  • c’est peut être pas si grave
  • c’est quelqu’un de gentil, regarde ce qu’il fait pour toi
  • vous allez vous réconcilier, ça ira mieux bientôt
  • je le connais depuis longtemps, il n’est pas comme ça
  • il t’arrive aussi d’être difficile à vivre

Ces propos sont a éviter, car ils peuvent empêcher la victime de se confier plus, et l’amener à douter d’elle et de ses ressentis.

Sous l’effet de l’étonnement, de l’incompréhension, on peut culpabiliser la victime sans le vouloir. Les propos de type :

  • tu aurais dû en parler plus tôt
  • pourquoi tu restes dans cette situation ?
  • à ta place, j’aurais….

peuvent amener le sentiment d’avoir fauté, même si ce n’est pas l’intention.

Le plus difficile est sans doute d’éviter les injonctions, malgré notre inquiétude. Par exemple :

  • tu dois partir maintenant
  • il faut que tu portes plainte

peuvent être des propos impossibles à entendre par la victime, qui n’en est pas à ce stade.


Aider activement une victime

Au delà de l’écoute, on peut être amené à aider plus activement une victime, par exemple en l’hébergeant suite à sa fuite ou en l’emmenant rencontrer des professionnels.

La posture de personne aidante peut être difficile à trouver, car souvent la victime est encore ambivalente face à son agresseur, et fait face à de nombreux questionnements : peut être avait-il raison, peut-être qu’il est possible de sauver la relation, peut-être qu’elle ne vaut pas le coup qu’on s’investisse pour elle, etc. Elle peut aussi être en état de choc, ou encore épuisée.

Il est important de rassurer la victime en lui faisant comprendre qu’elle n’est pas un poids. Faire attention à ce qu’elle se sente libre de prendre tout le repos nécessaire, sans jugement ni critique. On peut l’encourager à exprimer ses besoins et ses envies, sans la forcer à parler si elle ne le souhaite pas. Elle peut à la fois redouter la solitude et en avoir besoin.

Même si c’est le sujet principal des échanges, on peut éviter de revenir sur sa situation relationnelle, quand elle ne l’évoque pas elle-même, et de centrer les échanges sur elle. Solliciter son avis, même sur des sujets anodins, lui montre qu’elle compte et que son opinion a de la valeur.

Proposer des activités peut être bénéfique, en respectant tout refus éventuel : elle doit sentir qu’il est légitime de dire non. De même, on évite d’insister pour qu’elle sorte ou qu’elle rencontre d’autres personnes si elle n’en a pas envie.

S’il y a des démarches à entreprendre, il est préférable de fournir l’information, de proposer d’accompagner sans rien imposer. Devant des professionnels, ou d’autres proches, on évite de prendre la parole à sa place sans son accord. Si elle a des difficultés à s’exprimer, on peut lui demander : « Es-tu d’accord pour que j’explique pour toi ? N’hésite pas à m’interrompre si je me trompe. »

La victime peut aussi avoir besoin de rencontrer des professionnels de santé : On peut lui indiquer des adresses, proposer d’accompagner en salle d’attente, proposer d’accompagner dans le cabinet médical, mais il est essentiel que le choix lui revienne.

En respectant ces besoins, on accompagne au jour le jour tout en permettant à la victime de se réapproprier ses décisions et ses actes.


Les faux pas de bonne volonté

Ne pas recommander de thérapie ou de médiation  

Face à une situation de violence, d’abus psychologique, il est essentiel de ne pas encourager à : 

  • discuter ensemble du conflit,  
  • suivre une thérapie pour améliorer la communication,
  • recourir à une médiation, qu’elle soit professionnelle ou amicale.

Ces recommandations, souvent de bonne volonté, envoient à la victime plusieurs messages : que la relation est égalitaire, qu’il s’agit d’un problème de compréhension, et que l’agresseur est de bonne foi, voire qu’il est partant pour trouver une solution.

En réalité, pour l’agresseur, c’est une occasion rêvée pour manipuler non seulement la victime mais aussi l’opinion des proches et des éventuels professionnel·les.

Ne pas féliciter d’une réconciliation

Les relations toxiques sont souvent basées sur des cycles : Il existe des périodes plus calmes, appelées lunes de miel, où aucune violence n’est perceptible de l’extérieur. Ces périodes, qui peuvent passer pour une réconciliation, sont en fait une des stratégies de l’agresseur pour mieux conserver sa domination sur la victime. Celle-ci est toujours en danger, et peut à cette occasion prendre ses distance avec ses proches jusqu’à être totalement isolée, dans l’espoir de « réparer la relation ».

Le cycle de l'emprise montre comment la relation passe à une phase de tension, à une phase de conflit ouvert, puis une phase de justification, et enfin une lune de miel où tout sembla aller pour le mieux et où la victime fait tout pour réparer la relation.

Féliciter d’une réconciliation, c’est dire à la victime que tout est revenu dans l’ordre et que tout va bien. C’est souvent, sans s’en rendre compte, valider le discours de l’agresseur.

La posture la plus adaptée est alors de rester neutre face à cette nouvelle, et lorsque c’est possible, d’encourager la victime à ne pas oublier ses propres besoins et envies. Lui indiquer qu’on reste disponible en cas de problème est important.

Faire la différence entre violence et violence réactionnelle

La victime réagit parfois avec colère ou agressivité aux actes de son agresseur, dans le but de se défendre, de faire valoir ses droits, de ne plus se laisser faire. Cela s’appelle la violence réactionnelle. Cette violence est souvent mise en avant par l’agresseur pour démontrer qu’il n’est pas le seul fautif.

Pour faire la différence, on peut se demander :

  • l’un des partenaire est-il régulièrement à l’origine des tensions et conflits ?
  • l’un des partenaires a-t-il tendance à banaliser les conflits, à trouver des circonstances atténuantes, des justifications ?
  • l’un des partenaire cherche-t-il à dominer l’autre ?
  • les conflits sont-ils récurrents et toujours au désavantage de la même personne ?
  • l’un des partenaires semble-t-il craindre l’autre, ses réactions ?
  • l’un des partenaires modifie-t-il ses habitudes, ses comportements, ses activités, les personnes fréquentées, pour répondre à la demande de l’autre ?

Si oui, alors il ne s’agit sans doute pas de simples conflits, mais bien d’une situation relationnelle toxique, et/ou de violence conjugale. La violence n’a pas la même origine des deux cotés : l’un des partenaires cherche à contrôler la relation alors que l’autre tente de refuser cette situation.


Accompagner une victime de relation toxique n’est pas simple, et il n’y a pas de garantie de résultat. La charge émotionnelle peut être déstabilisante, encore plus si on est proche des deux partis, si on est amené·e à entendre des récits choquants, ou qui font écho à notre propre vécu.

Personne n’a à être parfait·e face à ces situations, on réagit avec notre propre personnalité. Si la victime nous choisit comme confident·e, c’est qu’on est la personne dont elle a besoin à ce moment là, et qu’elle nous accorde sa confiance.

Devant une situation difficile, on peut aussi réfléchir à ne pas en porter seul·e la charge mentale : avec l’accord de la victime, solliciter d’autres proches peut alléger le coût pour la personne aidante. De même, contacter des associations spécialisées (voir répertoire ci dessous) facilite l’accès aux informations et aux démarches éventuelles.

Il n’y a pas d’échec dans ce type d’accompagnement : même si la victime choisit de renouer ou de ne pas quitter son agresseur, le soutien et les informations apportés restent acquis. Ils amènent des ressources supplémentaires à la victime.

Ce répertoire liste des lignes d’aide et d’écoute accessibles par téléphone et par des moyens de contact alternatifs (Tchats, dispositifs LSF, mail…)

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