
Quand on est autiste, la fin d’année peut vite tourner au survival game. On vend les fêtes comme un moment de joie, de partage et de lumière. Pour nous, c’est surtout un marathon sensoriel sous stroboscope. Pièces bondées, discussions croisées, nourriture imposée, câlins obligatoires…Entre obligations familiales et amitiés à préserver, le parcours est souvent rude. Cet article propose quelques outils concrets pour communiquer avec les proches lors de la préparation des évènements, pour soi-même ou pour son enfant.
Se sentir légitime
L’une des premières difficultés lorsqu’on a des besoins spécifiques, c’est souvent la culpabilité. Une petite voix intérieure qui susurre tu exagères, tout le monde fait un effort, c’est juste une soirée, tu pourrais essayer d’être normal·e pour une fois…Cette voix n’est pas si intérieure que ça. Elle vient de la pression des injonctions sociales, qui impose à toute personne différente de se fondre dans la masse en s’asseyant sur ses besoins. Face à cette pression, l’idée même que les autres puissent s’adapter paraît contre-nature.
En réalité, il ne devrait même pas être question de handicap, de maladie ou de particularité pour que chacun·e accepte de s’adapter aux gens qui l’entourent, et encore moins dans un contexte festif. La différence, c’est que certaines personnes ont une possibilité pas trop coûteuse de faire avec, alors que d’autres ne l’ont pas.
Se sentir légitime, c’est la première étape. Elle demande de déconstruire un conditionnement, de se rappeler qu’avoir des besoins est naturel, et que réclamer des adaptations, c’est rétablir l’équilibre : Si tout le monde est d’accord pour passer un moment festif, alors faisons en sorte que ce moment puisse être une fête pour toustes.
Pratiquer le « non préventif »
Le non préventif, c’est dire non à une demande avant qu’elle ne soit formulée.
Dire non à une proposition d’activité, c’est toujours compliqué. On a l’impression de gêner, d’être rabat-joie, et dans beaucoup de situations, on n’ose pas. Le non préventif est plus simple à utiliser : il ne se heurte pas à une demande déjà formulée par un·e interlocuteurice, mais définit des limites à l’avance. Il permet à la fois d’avertir, et de réagir face à une demande imprévue par des rappels, plutôt que par une opposition frontale.
Exemples de non préventifs pour soi-même
- Pour info, je participerai mais je ne prendrai pas part au jeu prévu
- Je ne pourrai pas rester longtemps, je préfère prévenir
- Merci pour ton invitation, je passerai pour le café avec plaisir !
- J’irai me coucher avant minuit, je suis fatigué·e en ce moment
- Au fait, nous ne mangeons toujours pas de viande !
Exemples de non préventifs pour un·e proche
- Iel nous rejoindra plus tard avec plaisir :)
- Pour moi c’est ok, mais iel préfèrera bouquiner au calme.
- Iel n’est pas dispo pour les discussions animées, mais iel sera content·e d’être là.
Exemples de rappels
- Comme je l’avais dit, …
- Je vous laisse, comme convenu, c’était sympa, merci !
- Oui, c’était prévu qu’iel aille se coucher tôt.
Le non préventif n’a bien sûr rien de miraculeux. Il permet juste d’adoucir, pour soi-même comme pour les interlocuteurices, l’impact d’un refus. Dans un environnement où les besoins sont totalement niés, ça ne changera pas le résultat, mais ça peut permettre de renforcer sa capacité à exprimer ses besoins.
Préparer un message clair
Parler d’aménagements ou d’adaptations est possiblement anxiogène pour l’interlocuteurice, qui peut se braquer en pensant être confronté·e à des choses infaisables, trouver ça trop flou pour se projeter, avoir peur de mal faire, etc. La formulation en elle-même peut déclencher plus de panique que de compréhension.
Donner au contraire une liste simple, synthétique et factuelle, va rassurer. C’est concret et opérationnel, et ça évite que la personne ne remplisse les blancs avec ses propres peurs. On peux par exemple dire :
« Dans l’idéal, j’ai besoin de : [liste de mes besoins].
Comment peut-on s’organiser ? »
L’ouverture se fait sur l’organisation pratique, la logistique. Le « peut-on » montre que l’interlocuteurice n’est pas seul·e à devoir gérer et qu’il s’agit bien d’une organisation commune dans laquelle la personne concernée s’implique.
Inutile d’ajouter « sinon c’est pas grave », « si c’est trop compliqué tant pis » : en général, les gens sont assez autonomes pour refuser : pas besoin de tendre la perche. C’est à l’interlocuteurice de gérer sa capacité d’adaptation.
Pour amener un peu de réciprocité, on peux renvoyer une question du type :« Et toi, tu as besoin de quelque chose en particulier ? » qui va dédramatiser la demande et casser l’asymétrie. On sort ainsi du rôle de la personne autiste qui complique tout, pour amener l’idée qu’être à l’écoute des besoins des un·es et des autres, c’est finalement normal.
Des supports de communication
Ces supports peuvent être utilisés tel quels, ou servir de source d’inspiration : ce sont des exemples à adapter à la fois à la situation sociale et aux besoins de la personnes concernée.
Une fiche personnalisable à imprimer
Voici une fiche pour aider à l’expression des besoins. Le modèle ci dessous a été rempli avec des exemples. La version téléchargeable est vierge et peut être complétée avec les besoins qui te correspondent, ceux de ton enfant ou de ta ou ton proche.

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Pour télécharger la fiche à compléter soi-même, cliquer sur le bouton ci-dessous.
Des messages à copier coller
Sur le même modèle, voici des messages à copier, coller, et modifier selon ses besoins, pour envoyer dans les messageries texte.
Message d’introduction
Coucou ! Pour préparer au mieux les fêtes qui s’annoncent, et pour que ce soit plus pratique pour tout le monde, j’ai préparé une petite liste : les choses dont j’ai besoin pour participer sereinement, et profiter moi aussi de ces moments.
Merci d’être à l’écoute !
Mes besoins
- Ce que je mange :
- Ce que je ne mange pas :
- Par rapport à la lumière :
- Par rapport au bruit :
- Par rapport à la fatigue :
- Pouvoir m’isoler :
- Ce que je ramène :
- Parler de mes particularités :
- Pour compléter :
Préparer une porte de sortie
Même quand les convives sont de bonne volonté, il arrive que les limites soient atteintes. Dans ce cas, une pause est incontournable…et plus simple à vivre si elle ne se fait pas dans la panique. Qu’elle soit définitive ou ponctuelle, mieux elle est préparée, moins elle est anxiogène.
Même si on préfère ne pas en arriver là, toute sortie est légitime. Pas besoin d’attendre d’être au bord du meltdown. Le but est de prévenir, autant que possible. Quelques idées à mettre en place :
Préparer une phrase prête à l’emploi
- Je prends un temps pour moi, je reviens
- J’ai un coup de fatigue, à tout à l’heure
- Il est temps que je rentre
- ….
L’essentiel c’est surtout de ne pas avoir à chercher quoi dire quand on sent que ça devient compliqué.
Repérer un point de chute
- Une pièce calme, possiblement préparée à l’avance
- La voiture
- Les toilettes
- Chez soi ou dans un hôtel à proximité…
Préparer un kit de survie
Avec tous les objets utiles, comme
- Casque à réduction de bruit/écouteurs
- Stimtoys
- Boisson
- chargeur de téléphone…
Trouver un·e allié·es
Quand c’est possible, avoir quelqu’un·e parmi les convives qui connait tes besoins, pourra expliciter ta sortie sans qu’on vienne te demander des comptes, te ramener les choses dont tu as besoin sans t’envahir, t’accompagner si nécessaire. Et pourquoi pas, prévoir à l’avance un code qui te permette de ne pas avoir à expliquer que tu es en détresse.
Si tu as besoins d’arguments pour te sentir plus légitime ou expliquer tes demandes, tu peux lire cet article.
L’autisme, les fêtes, la famille et les ami·es
L’essentiel c’est d’être conscient·e qu’un environnement qui refuse de s’adapter, ne le fera pas plus si les demandes changent de forme.
Le but n’est pas de s’épuiser, mais de se préserver. Si ces outils peuvent simplifier le passage difficile des fêtes, tant mieux ! Il reste des situations où ils sont complètement inutiles, et c’est à toi de peser la balance des bénéfices possibles.
Bonne fin d’année à toustes !

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