TSA : l’influence de la sensorialité sur les sexualités autistes

sur un fond pailleté dans un dégradé de couleur, deux mains venant du haut de l'image , l'une pointant un doit vers l'autre qui forme un cercle avec le pouce et l'index pour représenter l'acte sexuel

Parler de sensorialité sans parler de sexualité, c’est faire l’impasse sur un sujet important. On aborde bien trop rarement la sexualité handie, alors oui, je me lance : La sensorialité particulière des autistes a bien une influence sur le vécu de la sexualité, et ce ne doit pas être un tabou.


On ne va pas parler d’amour, ni de sentiments, juste d’acte sexuel. Mais c’est l’occasion de quelques rappels.

  • Les autistes ont généralement une faible identification au genre, et/ou une moindre adhésion aux codes sociaux associés.
  • Il y a sur représentation des agressions sexuelles envers les femmes autistes, donc sur représentation d’événements traumatisants, souvent vécus jeune, ce qui ne facilite pas une approche sereine de la sexualité*.

Une sensorialité particulière dans l’autisme

Beaucoup d’autistes ont une sensorialité particulière : on parle globalement d’hypersensorialité (stimuli ressentis plus forts que la norme) ou d’hyposensorialité (stimuli ressentis moins fort que la norme).

Dans le détail, il existe autant de sensorialités différentes que de personnes autistes. Là où certains sens vont être hyposensibles, d’autres vont être hypersensibles, et à l’intérieur d’un même sens il peut également y avoir des différences. Il existe aussi des variations de niveau – on peut être légèrement hypersensible au toucher, ou très fortement. L’état de la personne (fatigue, stress, maladie ou au contraire sérénité) va également impacter ses sensations.

Aussi, on a coutume de dire qu’il y a autant de variations d’autisme que de personnes autistes.

Notre manière d’appréhender le monde qui nous entoure, notre environnement, mais aussi nos relations, passe par nos sens, qu’on soit autiste ou non. Il suffit d’imaginer qu’on ajoute, partout et tout le temps, 20% de luminosité et 20% de volume sonore (ce ne sont que des exemples) pour concevoir que notre monde s’en trouverait transformé.

Cette perception particulière a un impact sur l’ensemble de ce qui peut composer la vie d’une personne autiste, positif ou négatif, selon les conditions.


Sensorialité et sexualité

Qu’est ce que le sexe sinon un ensemble de sensations ?

On a coutume de penser que le sens le plus important en matière de sexualité est le toucher. Il est vrai que l’acte sexuel, dans la plupart de ses conceptions, implique un contact physique rapproché et intime.

scène suggérant l'acte sexuel, on y voit deux jambes vétues et deux autres nues, sauf une culotte tombée sur les chevilles. Au premier plan une chaussure à talon haut.

La stimulation de zones érogènes est profondément liée au toucher. Elle permet de d’enclencher les mécanismes d’excitation sexuelle et de provoquer le plaisir. Il existe des zones érogènes communes à toustes mais aussi une multitude de déclinaisons, sensibilités et préférences. La nature des zones connues comme érogènes est liée à leur innervation dense, donc à une transmission sensorielle plus importante.

Aussi, même si on sait que l’ensemble des sens concourent à l’excitation sexuelle et au plaisir, et qu’il est important de tous les stimuler pour ajouter au contexte, le toucher est particulièrement mis en avant.

De part sa sensorialité différente, la population autiste répond rarement aux mêmes besoins en matière de sexualité.

Il est important de comprendre que là où, dans la population générale, on trouvera des préférences sexuelles variées, chez les autistes on dépasse souvent le stade de préférences : il est impossible de profiter du moment sans la prise en compte effective de cette sensorialité. Il est tout à fait possible de passer un mauvais moment, si lea partenaire se comporte de manière non adaptée.


Chez les autistes, tous les sens sont concernés

Une des particularités autistique, en dehors des hypo et hyper sensibilités, est la difficulté à discriminer, c’est à dire l’impossibilité de faire le tri, de choisir (même inconsciemment) quels sens et quels stimuli prioriser, ce qui se fait naturellement dans la population non autiste. Rien ne passe en arrière plan, acte sexuel ou pas.

Même si l’activité en cours est importante, et même si le toucher a une place de choix :

  • Les autres sens sont tout aussi en éveil, pour le meilleur et pour le pire
  • Si l’environnement sensoriel n’est pas favorable, ça peut compliquer les choses.

Petit tour d’horizon de nos sens et de comment cela peut influer sur la qualité, ou même la possibilité, d’un rapport sexuel.

Certaines personnes autistes sont incapables de supporter un toucher « doux » : caresses légères, effleurements, souffle, peuvent être ressentis comme des agressions plutôt que comme des préliminaires sympas. Pour d’autres, un contact physique appuyé sera ressenti comme douloureux. D’autres encore ont une vraie difficulté à supporter n’importe quel contact physique.

Les personnes à l’hyposensibilité tactile élevée vont par contre très bien supporter le contact, mais peu y réagir, ce qui peut être source de frustration (chez lea partenaire qui s’attend à plus de réactivité aussi).

Enfin, toutes les zones du corps n’ont pas la même sensibilité : on peut avoir une hypersensibilité à un endroit, et peu de sensibilité à un autre.

Certaines personnes autistes trouvent plus confortable de passer par une phase d’autostimulation avant d’expérimenter le toucher par lea partenaire : le degré d’excitation a une influence sur la perception sensorielle. D’autres se tiennent à l’écart des rapports sexuels car leur sensorialité ne leur permet pas de s’y épanouir.

Le sexe, c’est aussi beaucoup de bruits différents. Les bruits inhérents au sexe peuvent être stimulants, dégoûter, ou déconcentrer. Les personnes autistes ont tendance à focaliser leur attention sur les bruits répétitifs, quitte à oublier tout le reste.

Ce n’est pas parce qu’on est en plein acte sexuel que le monde s’arrête de tourner : les bruits de l’environnement sont aussi importants et il peut être difficile de faire le tri.

La chaudière fait un son inhabituel trois pièces plus loin et ça te déconcentre ? Une mobylette qui passe dans la rue te vrille les tympans ? Tu as mis de la musique mais tu te retrouves complètement absorbé·e par ce super morceau que tu aimes tant sans plus aucune attention pout taon partenaire ? Oui, toutes ces situations peuvent exister, sans que cela ne soit un manque d’intérêt pour l’acte sexuel ou lea partenaire.

Au delà d’une déconcentration, un son inopportun, même anodin, peut amener un réel inconfort sensoriel.

L’hypersensibilité visuelle peut aussi amener de l’inconfort, et si on est souvent d’accord pour dire que les lumières tamisées sont idéales, ça peut être incontournable pour un autiste.

Mais la vue est aussi source de stimulation, qui peuvent revêtir une grande importance pour d’autres personnes, qui supporteront mal un environnement où il est difficile de distinguer les corps.

Comme pour l’ouïe, la vue est une possible source de perturbations qui peuvent faire perdre l’attention…Il suffit d’un détail.

Aujourd’hui, différents modèles d’ampoules permettent de choisir non seulement l’intensité mais aussi le ton (plus ou moins chaud ou froid) de l’éclairage. Une literie dans une couleur confortable peut aussi permettre de créer un environnement propice.

Les odeurs amènent leur lot de sensations positives, négatives mais aussi divertissantes. Là où certaines odeurs peuvent exciter, d’autres peuvent repousser, couper toute envie.

De nombreuses personnes autistes sont très gênées, jusqu’à la nausée, par les odeurs de parfum ou autres cosmétiques, et cela reste valable pendant l’acte sexuel. Mais d’autres odeurs spécifiques au contexte peuvent s’ajouter, y compris l’odeur de sa propre transpiration (pratique), ou celles de produits lubrifiants et/ou ludiques.

Comme précédemment, ici aussi la concentration peut faire défaut, imagine une vague odeur de noisette amenant à se souvenir du gâteau de Mamie ou toute autre considération malvenue.

Même si on ne peut éliminer toute odeur (ce qui serait assez déconcertant), rien n’empêche de tester à l’avance celles qui peuvent l’être : préservatifs, shampoing, nourriture à proximité, etc.

Les personnes hyposensibles vont avoir tendance à stimuler ce sens, et les hypersensibles à l’éviter, ce qui modifie le rapport au sexe oral, jusqu’à le rendre impraticable pour certain·es.

Par ailleurs, les contacts buccaux peuvent prendre une importance particulière ou rebuter, y compris les baisers, même si d’autres sens entrent ici en jeux.

Même si la bouche est une zone particulièrement érogène, il existe des cultures humaines où l’on ne s’embrasse pas, et ça n’empêche pas le monde de tourner, n’est ce pas ?

Pour certaines personnes autistes, il est plus confortable de porter des vêtements sérés, voire même lestés. En dehors de dispositifs spécifiques comme les couvertures lestées, le poids d’une couette maintenant une certaine pression sur le corps améliore le bien être.

Dans l’acte sexuel, l’usage étant plus ou moins de se déshabiller, on perd le bénéfice des vêtements, couettes et autres accessoires, et ça peut perturber.

La proprioception influence les positions qu’on apprécie : par ex si lea partenaire est au dessus, le poids de son corps peut être appréciable pour se concentrer sur ses ressentis.

Le sens vestibulaire joue aussi son rôle dans le fait d’être plus ou moins à l’aise dans certaines positions, d’apprécier ou pas d’être porté·e, d’avoir la tête en bas, etc.


Des comportements sexuels influencés par la sensorialité

L’importance et l’intensité du vécu sensoriel ches les autistes influence naturellement les comportements sexuels.

Comme dans n’importe quelle situation où les sens sont sollicités(toutes), on va retrouver :

  • des comportements d’évitement
  • des comportements de recherche
  • des comportements répétitifs (Si un truc fonctionne bien, pourquoi ne pas le refaire à l’infini ?)

Cela peut se traduire par une nette préférence pour neutraliser un sens le temps de l’acte, pour mieux profiter : dans le noir ou les yeux bandés, en se bouchant les oreilles par exemple. Les comportements de recherche sensorielle, les pratiques BDSM, peuvent particulièrement attirer, ou au contraire ne pas du tout être envisageables.

Il n’existe aucun profil type, comme il n’existe aucune sensorialité type, chez les personnes autistes, mais le respect des besoins engendrés par les particularités de chacun·e est un point incontournable pour un plaisir partagé.


Se sentir légitime à communiquer

Les personnes autistes peuvent avoir des difficultés à identifier leurs besoins et à communiquer à ce propos. Il peut être complexe de faire comprendre à un·e partenaire ce qui pose problème, et encore plus dans un contexte où la pression sociale impose d’être en capacité de satisfaire l’autre.

Créer un contexte propice à l’échange et à l’ouverture d’esprit, réfléchir sur ses propres particularités peut aider à mieux comprendre, anticiper les besoins, (ou ceux d’un·e partenaire), à améliorer son confort sexuel, à se trouver légitime dans ses demandes. Dans une relation à plus ou moins long terme, découvrir ensemble ce qui plaît peut être une stimulation supplémentaire, un jeu.


Mises au points nécessaires

A la lecture de tout ceci, on peut se dire que c’est bien compliqué de faire du sexe quand on est autiste. Oui et non.

Là ou certaines personnes vont très vite identifier leurs besoins, et n’avoir pas trop de mal à s’adapter si ceux ci ne sont pas entièrement comblés, cela peut être moins accessible pour d’autres. Mais il est important de rappeler que ça dépend directement de l’écoute et de la bonne volonté de lea partenaire (avec ses propres particularités).

Tout le monde a des préférences sexuelles, ce qui va différencier les autistes va être leur intensité et le fait que cela tienne plus du besoin.

On voit parfois dans les couples à long terme, une certaine culpabilité de ne pas être dans la norme au quotidien et d’avoir un devoir de satisfaction sexuelle auprès du/de la conjoint·e, du type « je lui dois au moins ça« . Cette situation peut être empiré par des particularités sensorielles qui rendent impossible d’adopter le comportement attendu (par soi même ou par l’autre).

Un·e bon·ne partenaire est un·e partenaire qui s’adapte. Ça implique de prendre en compte ses propres besoins comme les besoins de l’autre, de les connaître ou de les découvrir, et de s’y adapter.

C’est pas forcément plus difficile que de balancer des pétales de rose, des bougies et de la musique romantique, c’est juste moins conventionnel.

Si se faire plaisir implique de sortir des sentiers battus, autiste ou pas, où est le problème ? Les pratiques sexuelles répondent également à un apprentissage et à un conditionnement social qu’il est possible de déconstruire.

Par ailleurs, il n’y a pas plus d’incompatibilité entre vie sexuelle active riche et diagnostic TSA qu’il n’y en a entre asexualité et TSA.


Pas d’acte sexuel sans consentement libre et éclairé

Puisqu’il reste nécessaire de le rappeler partout et tout le temps, je termine cet article par un point consentement.

Quelques soient les spécificités des personnes concernées et la nature des relations, chacun·e des partenaires doit consentir à l’acte sexuel ou à tout autre geste de nature sexuelle. Une personne peut consentir à certaines activités et ne pas être d’accord avec d’autres. On peut aussi consentir à une relation, puis changer d’avis. Tout refus, par la parole comme par gestes, doit entraîner l’arrêt de l’activité sexuelle.

On ne peut recueillir le consentement d’un·e partenaire sous la contrainte, la menace. Une personne endormie, fortement alcoolisée ou droguée au point de ne plus savoir ce qu’elle fait ne peut donner son consentement.

Sans consentement de la ou du partenaire, il y a agression sexuelle.

* Lien vers l’étude Il est prouvé que neuf femmes autistes sur dix ont été victimes de violences sexuelles

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2 réponses à « TSA : l’influence de la sensorialité sur les sexualités autistes »

  1. Avatar de TSA : la sensorialité hors du commun des autistes et son impact au quotidien – Le blog de Petite Loutre

    […] l’influence de la sensorialité autiste sur la sexualité la perception de la douleur dans l’autisme […]

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    1. Avatar de
      Anonyme

      Merci pour cet article.

      J’ai envie de compléter par une expérience personnelle: J’ai souvent besoin, quand je retrouve mon partenaire et amoureux, qu’il m’aide d’abord à « retrouver » mon corps, à « revenir dans mon corps », je suis partie loin du corps. Je ne peux pas me rendre disponible physiquement à notre relation car je suis « trop loin », « pas présente dans mon corps ». Il a merveilleusement compris en prenant le temps de parcourir tout mon corps très doucement par de légers contacts qui me « ramènent à moi » en douceur (comme on ferait revenir un ballon gonflable qui flotte dans le ciel en tirant doucement sur la ficelle). Ce parcours de mon corps me procure de très grandes sensations, un plaisir qui n’est pas sexuel, mais un plaisir de me retrouver, de me sentir présente et vivante.

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