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Enquête : ressenti et expression de la fatigue chez les personnes autistes

Cet article a été initialement publié en février 2021, dans le cadre du projet « Autisme, l’Aventure Intérieure », mené par Natacha, Nathalie et moi-même. L’enquête détaillée ci dessous est le fruit d’un travail commun, tant dans la conception du questionnaire, que dans l’analyse et la rédaction des résultats.

Nos constats : Les personnes autistes ont du mal à faire reconnaître et comprendre l’impact de leur fatigue par leur entourage personnel, professionnel, ou par les professionnels qui les accompagnent. Malgré l’intérêt que portent les personnes autistes à ce sujet, il y a peu de publications scientifiques qui le concernent.

Le questionnaire a été diffusé du 19 août au 19 septembre 2020 sur les réseaux sociaux. Il s’adresse directement aux personnes autistes majeures et diagnostiquées, avec pour objectif de mettre en lumière la parole des personnes concernées Il s’articule autour de deux axes d’étude : le ressenti de la fatigue chez les personnes autistes, et l’expression de ce ressenti. Le but des différentes questions est de comprendre le vécu de la personne lorsqu’elle se considère fatiguée, et comprendre la façon dont elle communique ce ressenti à son entourage. 645 participant.es se sont exprimé.es. Une majorité (42.6%) de répondant.es déclare un âge compris entre 35 et 49 ans, plus d’un quart (27.3%) entre 25 et 34 ans. A noter, une forte disparité dans le genre des répondant.es, avec 73% de femmes.

SYNTHESE DES RESULTATS

Le ressenti de la fatigue chez les personnes autistes

Les personnes autistes ressentent continuellement la fatigue

Plus de la moitié (51.5%) des répondant.es estime éprouver de la fatigue quotidiennement, et plus d’un quart plusieurs fois par semaine. Le fonctionnement des personnes interrogées est, pour 45.9% d’entre elles, impacté par la fatigue au point qu’elles doivent régulièrement faire un choix entre activités de loisir et tâches quotidiennes, et, pour un autre tiers des répondant.es, au point qu’iel ne peut s’en sortir sans une planification préalable.

La fatigue est, dans une majorité de réponses, un état qui entrave le fonctionnement quotidien, et, encore pour un tiers des répondant.es, un état qui entrave non seulement le fonctionnement de la personne, mais également celui de son entourage.

La fatigue entraîne d’importantes difficultés chez les personnes autistes

Les difficultés engendrées par cet état sont multiples. Les personnes interrogées évoquent, dans une grande majorité (plus de 80%), des problèmes de concentration, une exacerbation notable de l’anxiété, une absence de motivation et des difficultés sensorielles accrues.

Mais la fatigue impacte également d’autres champs : Plus de 70% des répondant.es font état d’un sentiment de déprime, d’une irritabilité et d’une perte de patience marquées, d’un manque important de réactivité, de difficultés dans les fonctions exécutives, la communication orale, le raisonnement, la compréhension des faits ou des situations.

Environ deux tiers d’entre elleux ressentent des difficultés dans la communication non orale, et de la somnolence. On retrouve, pour environ la moitié des personnes interrogées, des difficultés motrices et des pertes d’équilibre, une modification de l’appétit et des difficultés dans la communication écrite.

La fatigue a un impact marqué sur l’état émotionnel de la personne autiste

La survenue de la fatigue modifie inévitablement l’état émotionnel de la personne. Ainsi, plus de la moitié des répondant.es affirme n’avoir plus envie de rien, ou vouloir tout quitter brusquement, quand 46 % disent ressentir le besoin de pleurer. Un tiers évoque une envie d’être verbalement violent.e, et un quart l’envie de se faire mal à soi-même.

Confrontées à une situation de fatigue, les personnes autistes interrogées affirment pour une grande majorité (82.6%), vouloir s’isoler, être tranquille, et 60% ont besoin de dormir. Moins d’un quart d’entre elles dit avoir besoin d’être entourées. Un moment d’isolement et de solitude semble bénéfique.

La fatigue est majorée par les èvenements extérieurs

La survenue d’évènements imprévus ou inhabituels, a un impact important sur le ressenti des personnes autistes.37% des répondant.es ressentent de la fatigue lors de tout événement inhabituel ou imprévu, et pour la même proportion d’entre elleux, cela dépend de la nature de l’évènement. Seuls 1.4% des répondant.es ne ressentent pas de fatigue lors d’événements particuliers, même s’ils ne sont pas préparés.

Près de la moitié (49.6%) des répondant.es dit ressentir de la fatigue dans son quotidien habituel, et un tiers regrette de ne pas avoir une organisation qui lui permette d’y échapper. Seul.es 1.7% des répondant.es affirment que leur quotidien est assez adapté pour les en protéger.

L’expression de la fatigue chez les personnes autistes

Pour parler de son état, une majorité de répondant.es (59%) utilise simplement l’expression « je suis fatigué.e ». Environ 40% disent aussi être « épuisé.e/exténué.e », ou encore « je n’en peux plus » et « je vais craquer ».

A noter que plus de 22% affirment ne pas communiquer consciemment au sujet de leur fatigue.

La fatigue entraîne d’importants chagements de comportement

Plus de 70% des personnes interrogées pensent avoir une réaction importante à la fatigue. Plus des trois quarts estiment que leurs comportements autistiques sont exacerbés, quand 73% deviennent mutiques ou silencieuses.

Plus de 60% disent devenir désagréables avec leur entourage, ou être débordées par leurs émotions, au point où elles peuvent se mettre à crier ou pleurer sans raison apparente. La moitié explique somatiser et développer des symptômes physiques. Plus d’un tiers des répondants estiment pouvoir devenir verbalement violents, et un quart peut s’endormir, quel que soit le contexte.

Un état difficilement perçu par l’entourage

Seuls 14% des répondant.es estiment que leur entourage a une bonne perception de leur degré de fatigue dès qu’iels expriment celle-ci. 17% pensent que leur degré de fatigue n’est perçu que s’ils insistent.

Plus d’un tiers des personnes interrogées a le sentiment que son entourage ne perçoit pas correctement son degré de fatigue, alors qu’un autre tiers affirme que son entourage perçoit son degré de fatigue uniquement quand il craque.

Une communication complexe avec les acteurs de santé

Près de la moitié des personnes interrogées pense que le corps médical et/ou paramédical ne perçoit jamais correctement son degré de fatigue et à tendance à le minimiser, quand un tiers affirme qu’il doit insister pour que cela soit pris en compte. Seuls 15% des répondant.es estiment que leur état de fatigue est entendu.

En ce qui concerne le personnel d’aide et d’accompagnement, plus de 40% des répondants estiment que celui-ci minimise leur état de fatigue, quand un tiers doit insister pour qu’on le perçoive correctement. Un peu plus de 20% pensent cependant qu’il est réellement entendu.(Près de la moitié des personnes interrogées n’étant pas concernées par ce thème, 266 personnes se sont exprimées sur ce dernier point)

La fatigue est perçue comme un état qui entrave très régulièrement le fonctionnement de la personne autiste, mais aussi celui de son entourage.

Les personnes interrogées font état de nombreuses difficultés inhérentes à cet état : anxiété, irritabilité et comportements autistiques exacerbés, difficultés dans la communication, le raisonnement et les fonctions exécutives, liées à un état émotionnel difficile.

Elles évoquent également des difficultés à faire entendre l’impact de la fatigue sur leur quotidien, avec leurs proches comme avec des professionnels. Elles sont en risque d’être incomprises : la perception de leur état est éloigné de la réalité. Les réactions des personnes autistes (agressivité verbale, mutisme, cris ou pleurs, etc) peuvent surprendre leur entourage, et contribuer à leur isolement comme à leur mal-être psychologique.

Il nous parait nécessaire de communiquer sur ce sujet, essentiel à la compréhension du vécu autistique au quotidien. Il s’agit d‘un problème de santé publique peu abordé, majorant le handicap, ne bénéficiant d’aucune prévention, ni de repérage particulier, y compris dans l’autisme sévère.

Une meilleure prise en compte de cette problématique, notamment par les MDPH, y compris dans l’autisme adulte, et la proposition de solutions de répit, ne pourraient qu’améliorer la qualité de vie des personnes concernées.

Nous remercions chaleureusement les personnes qui nous ont encouragées dans ce projet, pour leur soutien et leur bienveillance. Nous remercions tout particulièrement les 645 participants, ainsi que toutes les personnes s’étant mobilisées pour la diffusions du questionnaire sur leurs différents réseaux. 🙂

Accès aux données brutes du sondage

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